La finance, ennemie de la croissance ?
Deux experts de la Banque des règlements internationaux constatent que le développement de la finance favorise la croissance et la productivité… jusqu’à un certain point, largement dépassé par beaucoup d’économies développées, au-delà duquel son effet devient négatif. L’ennemi serait… l’excès de finance?
A partir des données sur 50 pays développés ou émergents et sur les trente dernières années, Stephen G. Cecchetti et Enisse Kharroubi mettent en évidence que le développement du secteur financier, d’abord favorable à la croissance et à la productivité d’un pays, devient défavorable dès qu’on dépasse un seuil, correspondant à un en-cours de tous les crédits privés de l’ordre du PIB du pays voire inférieur de 10% à celui-ci. Leurs résultats semblent robustes, que l’on mesure le développement de la finance par le montant des crédits, la part de la population active employée dans le secteur financier ou (pour les pays de l’OCDE seulement) le taux de croissance de ce dernier, et que l’on ajoute ou non des variables de contrôle diverses.
Les auteurs précisent qu’avoir un montant de crédits proche du PIB ne saurait constituer un objectif de politique économique, ne serait-ce que pour avoir la possibilité d’augmenter ce niveau pour surmonter un choc.
Rappelons que les en-cours de crédits des banques étaient de l’ordre de 160% du PIB au Portugal au début de la crise financière, de 180% au Royaume-Uni et de 200% au Danemark, mais de 50% en Inde.
Le seuil critique d’emploi dans le secteur financier serait de 3,9% (niveau dépassé au Canada, en Irlande, en Suisse ou aux Etats-Unis), mais l’intervalle de confiance (au niveau de 95%) est large et ce seuil pourrait être de l’ordre de 1,3% seulement, un niveau dépassé dans la plupart des pays développés.
Enfin, dans les pays de l’OCDE (qui ont tous un secteur financier déjà bien développé), la croissance de la productivité apparait significativement et négativement corrélée à celle du poids de la finance dans l’économie.
Voilà qui va donner du baume au coeur à ceux qui suggèrent qu’on peut taxer les transactions financières sans risquer de ruiner nos économies…