L’Australie anticipe la fin de l’âge d’or
Le gouvernement australien présente un plan de plus de 800 millions d’euros afin de soutenir la productivité et les efforts d’innovation de son industrie manufacturière. Ces mesures seront financées par la redirection du crédit d’impôt recherche vers les plus petites entreprises.
La crise économique mondiale a été l’occasion pour l’économie australienne de démontrer une nouvelle fois sa forte résilience. Au cours des dernières années, et alors que les marchés occidentaux peinaient à s’extirper de la récession, l’Australie luttait pour sa part pour éviter la surchauffe. Son produit intérieur brut a en effet progressé en moyenne de 3 % par an sur la dernière décennie, porté en particulier par l’exploitation intensive des richesses de son sous-sol, le développement d’un des secteurs financiers les plus importants de la région, et par une orientation marquée de son commerce extérieur vers les pays les plus dynamiques d’Asie.
Malgré des fondamentaux et une trajectoire de croissance solides, les pouvoirs publics cherchent dès maintenant à anticiper les changements structurels auxquels l’Australie devra faire face dans les années à venir. L’activité dans les mines n’a pas encore décliné, mais le pic de production approche et le ralentissement de la productivité s’est déjà fait sentir du fait de l’importance croissante des investissements nécessaires à la poursuite de l’exploitation. De plus, l’exposition du pays aux marchés asiatiques fait craindre un accroissement de la concurrence internationale, notamment pour son secteur manufacturier. Enfin, ses exportations souffrent de plus en plus d’une monnaie forte, résultat de vingt années de croissance économique continue.
Fort de ce constat, le gouvernement a présenté en début d’année un plan de soutien de plus d’un milliard de dollars australiens (environ 800 millions d’euros) à destination de son industrie. Dédié à l’augmentation de la productivité et des efforts d’innovation, ce programme devrait s’étaler jusqu’en 2017. Les différentes actions menées se regroupent autour de trois problématiques majeures :
- Appui au développement de l’industrie à l’international (514,4 M$AU). L’économie australienne est fortement tournée vers l’Asie, cette région représentant un débouché majeur notamment pour le marché des matières premières. Toutefois, à travers la montée en gamme de leurs industries, la Chine ou la Corée exercent une pression concurrentielle accrue sur le secteur manufacturier australien. Un des leviers d’action identifié par les pouvoirs publics pour y pallier réside dans l’amélioration de la compétitivité hors-coûts via le soutien à l’innovation. Le gouvernement a ainsi annoncé la mise en place d’une politique de clusters afin de rapprocher la recherche publique des entreprises et de favoriser les initiatives collaboratives – cette dernière dimension faisant particulièrement défaut aux entreprises australiennes selon l’OCDE. La gouvernance de ces structures sera largement déléguée aux industriels, et un dispositif particulier sera mis en place pour accompagner la croissance des PME les plus prometteuses Deux clusters ont d’ores et déjà été créés et huit autres devraient voir le jour d’ici 2014.
- Faire grandir les PME (406,5 M$AU). Parce que l’augmentation de la productivité passe également par la création d’économies d’échelle, la croissance des PME constitue le deuxième levier d’action retenu par le gouvernement pour soutenir le secteur manufacturier. Afin d’aider les PME innovantes à surmonter les difficultés liées à l’accès au financement ou aux compétences, une nouvelle structure – Venture Australia – regroupe depuis peu l’Innovation Investment Fund (qui a pour l’occasion été doté de 350 M$AU supplémentaires) et différents programmes d’incitation fiscale visant à favoriser les investissements dans les petites entreprises. Par ailleurs, ces dernières étant les plus sensibles à un soutien à leurs efforts de recherche et développement, le programme d’incitation fiscale à la R&D a été réorienté vers les entreprises réalisant un chiffre d’affaires annuel inférieur à 20 M$AU. D’après les estimations, ce reciblage des dépenses devrait permettre de dégager près d’un milliard de dollars et de financer ainsi l’ensemble du plan prévu par le gouvernement, tout en n’excluant qu’une vingtaine des plus grandes entreprises du champ du dispositif.
- Aider les entreprises locales à accéder aux grands projets nationaux (125,9 M$AU). Alors que les montants investis dans l’économie australienne atteignent des niveaux record, les entreprises locales peinent à en tirer profit en raison d’un manque d’information et d’un déficit de compétences adaptées, ce qui engendre un recours accru aux opérateurs et aux produits étrangers. Afin de remédier à cela, le gouvernement a prévu de légiférer de sorte à ce que chaque porteur d’un projet d’investissement d’un montant supérieur à 500 M$AU soit dans l’obligation de remplir un « formulaire AIP » (Australian Industry Participation). Cette formalité administrative consiste à signaler les marchés pour lesquelles les entreprises locales peuvent et sont en capacité de concourir. En œuvrant pour leur intégration dans ces importantes supply chains, il s’agit ainsi de soutenir leur activité au niveau national, mais également de les aider à développer des compétences et à nouer des relations avec les grands donneurs d’ordres, de manière à faciliter leur portage à l’international.
De manière complémentaire, les pouvoirs publics ont réitéré leur soutien à deux secteurs emblématiques de l’industrie australienne, vecteurs d’importants investissements en recherche et développement : l’automobile et la pharmaceutique. Pour le premier, le New Car Plan (doté de 5,4 Md$AU pour aider à la croissance et à la diversification des entreprises du secteur) est d’ores est déjà en place. Pour le second, la réglementation relative aux essais cliniques fera l’objet d’une réforme afin de consolider la position de leader de l’Australie dans la recherche médicale, fragilisée depuis quelques années.
Résolument axé vers le soutien à l’innovation et à la productivité, ce plan illustre la vision d’un libéralisme pragmatique. Tout en se limitant à maintenir un cadre réglementaire et politique propice au développement économique en veillant à interférer le moins possible avec la sphère économique – gouvernance industry-led des clusters, incitations fiscales, etc. –, certains dispositifs mis en place par le gouvernement australien sont empreints d’un certain protectionnisme, notamment en ce qui concerne l’intégration d’entreprises locales aux grands projets d’investissement.